Témoignage : école et surdité

Zoé, tu as 12 ans et es à l’école Sainte-Marie à Namur depuis la première maternelle, en classe bilingue français langue des signes. Comment t’y sens-tu ?

Super bien. Mes parents ont décidé de vivre à Namur peu après ma naissance car je suis née sourde et ils avaient entendu parler des classes inclusives existant à Saint-Marie.
J’ai la chance d’avoir été implantée très jeune, ce qui me permet d’entendre maintenant presque normalement ; j’ai aussi fait de nombreuses séances de logopédie pour apprendre à bien parler. À l’école, ce qui est super, c’est qu’il y a des élèves entendants, malentendants et sourds dans la classe ; on apprend ensemble. Et, dans la cour de récré, on s’amuse aussi ensemble ; nous, les sourds, on n’est pas rejetés par les autres, on est comme tout le monde. Je remercie beaucoup mes parents de m’avoir inscrite dans cette école.
Parfois, les parents sourds qui ont des enfants entendants ont honte, et vice-versa.
À Sainte-Marie, Madame Fabienne est sourde et aucun de ses deux enfants n’a honte d’elle.
On ne se sent pas jugé par les autres.

Tu m’expliques comment ça fonctionne dans ta classe ?

Il y a presque toujours deux profs en classe, un qui enseigne pour les entendants et un pour les sourds. Je trouve que c’est mieux d’avoir une enseignante pour les sourds plutôt qu’une interprète, parce qu’elle ne fait pas que traduire, elle explique et nous permet d’apprendre plus facilement.
Il y a aussi des cours uniquement pour les enfants malentendants et sourds, et j’aime bien car on peut échanger entre nous : le cours de français et un cours de langue des signes juste pour nous. Le cours de français est donné par une enseignante qui signe uniquement et le cours de langue des signes, c’est monsieur Bruno qui enseigne : il est sourd et je pense que c’est mieux que les sourds enseignent dans cette matière car ils sont plus spécialistes que les titulaires des sourds. À partir de la deuxième, troisième primaire, on avait certains de ces cours sur le temps de midi. Parfois, j’aurais préféré aller jouer dans la cour avec mes amis et amies, mais c’est en partie grâce à ces cours que j’ai progressé et suis maintenant en première secondaire. Et si je suis là comme ça en train de parler, c’est aussi grâce à mes titulaires et à mes parents, bien-sûr.
Je suis maintenant en première secondaire et je m’y plais bien. Même si je préférais l’école primaire, car je me sentais plus soutenue par mes titulaires.
Les profs parlent clairement, même si parfois je dois leur demander de parler un peu plus fort. En secondaire les sourds ont un atelier de français à la place du latin.
Moi j’ai râlé quand j’ai appris ça et mes parents ont demandé à l’école si je pouvais suivre le cours de latin. Tom et moi, parce qu’on lit beaucoup, qu’on parle et qu’on a des implants, on peut suivre le cours et j’adore le latin !

Pour conclure, pourrais-tu résumer ce qui te plaît le plus à l’école Sainte-Marie ?

C’est que personne ne fait la différence entre entendants et non entendants. Les entendants peuvent entrer dans la culture sourde et nous aussi on peut entrer dans leur culture. C’est une bonne école et j’ai beaucoup de chance d’y être !
C’est chouette d’avoir des amis des deux « côtés », d’être en équilibre entre les deux « mondes », comme un funambule… petite référence au documentaire « Les funambules de Sainte-Marie ».

À voir : tinyurl.com/video-funambules