Témoignage : Santé et précarité – retours de terrain par des aides-soignants

Si par le passé les aides familiales ont pu être considérées, à tort, comme des alternatives aux aides ménagères, elles sont à présent des partenaires à part entière dans le travail qu’effectue le CPAS avec ses bénéficiaires.
Une enquête préalable réalisée par le service social permet d’orienter les demandeurs vers les services adéquats, voire d’identifier des éléments pour lesquels ces personnes ne pensaient pas pouvoir demander une aide au CPAS.
Les aides familiales font partie d’un ensemble d’intervenants, d’un réseau, qui peut agir en faveur des bénéficiaires des services du CPAS.
Les aides familiales sont en contact permanent avec ce qu’on appelle, parfois pudiquement, la «réalité du terrain».
Voici le témoignage d’une assistante sociale dans un service d’aide aux familles d’un CPAS dans la région du Centre. Elle décrit trois situations rapportées par ses équipes. Ces trois personnes vivent des situations dans lesquelles l’intrication de leur santé et de leur niveau de précarité rend difficile l’amélioration de l’une ou l’autre de ces composantes.
Situation 1 : Jocelyne (prénom d’emprunt), 53 ans
Jocelyne a trois enfants, dont un fils adulte, toxicomane, équipé d’un bracelet électronique, et qui vit avec elle. Jocelyne souffre d’un diabète difficile à maintenir sous contrôle. Et ce, d’autant plus que les quelques revenus dont elle dispose ont tendance à être «réorientés» par son fils, au détriment des soins de santé de sa mère.
L’aide familiale, qui visite Jocelyne deux fois par semaine, constate que les médicaments ne sont pas pris selon le schéma prescrit, voire pas achetés.
L’état de santé de Jocelyne se complexifie, des problèmes de mobilité et une cirrhose s’ajoutent. Jocelyne fait une mauvaise chute, elle est hospitalisée et doit être amputée. Un de ses deux autres enfants décide de reprendre en mains les affaires de sa maman, mais il est inquiet au sujet des conséquences de l’endettement de sa maman, et sur le paiement des factures d’hospitalisation et de convalescence. La mesure de mise sous protection judiciaire a été proposée à plusieurs reprises à Jocelyne, mais elle a toujours refusé.
Le dossier est en cours, et le CPAS tente de trouver une solution d’hébergement pour Jocelyne, qui, malgré son âge encore relativement jeune, présente des problèmes de santé et de mobilité qui empêcheront, à brève échéance, son maintien à domicile.
Situation 2 : Magda (prénom d’emprunt), 66 ans
Magda est divorcée. Elle n’a jamais eu d’enfant. Elle vit seule dans son appartement. Malgré ses cris, Magda est restée au sol après une chute, sans pouvoir alerter ses voisins, pendant deux jours et deux nuits. Son neveu, qui venait la voir chaque semaine, insiste pour qu’elle vienne habiter plus près de chez lui. Problème: son nouveau logement n’est plus un logement social, et les frais liés au déménagement, plus l’augmentation du loyer, ont fortement impacté les finances de Magda.
Magda fait appel à une aide familiale, aussi souvent que ses moyens le permettent, mais pas aussi souvent qu’elle le souhaiterait. Magda aime cuisiner. Elle souffre de la maladie de Crohn, et elle aime superviser la préparation de ses repas. Mais c’est surtout l’isolement qui est brisé grâce à la présence de l’aide familiale. Ensemble, Magda et son aide familiale cuisinent, papotent, et même si la contribution de Magda se limite parfois à éplucher une pomme de terre, la vie garde un goût de normal.
Pour Magda, le CPAS a également imposé le système de télévigilance, au cas où une chute se produirait à nouveau.
Situation 3 : Mélanie, Geoffrey et Anya (prénoms d’emprunt)
Mélanie et Geoffrey pensaient ne pas pouvoir avoir d’enfants. Anya leur a prouvé le contraire. Elle a à présent 18 mois et vit avec ses parents. Mélanie présente un handicap mental. Elle est sous administration «biens et personne». Quant à Geoffrey, il souffre d’une addiction aux stupéfiants, connue du généraliste.
Lors de la première visite après le retour de la maternité, la travailleuse médico-sociale de l’ONE alerte le CPAS sur les conditions de vie d’Anya, et sur les soins insuffisants qui lui sont prodigués. Sur demande de l’ONE, le logement est remis à niveau (hygiène générale, rangement…) par une aide-familiale. Une infirmière passe quotidiennement pour les soins de l’enfant, la baigne, etc.
Toujours sur intervention de l’équipe pluridisciplinaire qui se met en place autour d’Anya, il est convenu que celle-ci fréquente tous les jours la crèche du CPAS.
Malgré la présence de cette équipe, la situation de vie d’Anya est telle qu’une réunion est convoquée au Service d’Aide à la Jeunesse avec l’infirmière, un travailleur médico-social de l’ONE, les parents d’Anya, son grand-père, et l’aide familiale. La réunion ne se passe pas sans heurt, le père recevant très mal la proposition de placer temporairement Anya dans un milieu d’accueil.
Le dossier est judiciarisé, et le père promet « des efforts ». Geoffrey consent à ce qu’une administration de biens soit mise en place pour lui.
Geoffrey peut à présent consacrer plus de temps et d’énergie à s’occuper de sa famille.
Mélanie bénéficie d’un accompagnement pour les courses alimentaires, et participe à des ateliers culinaires organisés dans le cadre du plan de cohésion sociale.
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Article du 04/12/2023
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