Le Chaînon

Témoignage : Sclérose en plaques

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Il y a un avant, il y a un après…

2014 : Laurence a 25 ans. On vient de lui annoncer son diagnostic de Sclérose En Plaques (SEP).

On lui a dit que que cette maladie neurologique allait évoluer, qu’on essaierait de la ralentir, que la recherche allait faire des progrès.

On lui a fait comprendre qu’elle ne pourrait pas être guérie et qu’elle devrait s’adapter, composer avec la maladie, déjouer les effets des symptômes multiples et surtout tenter de continuer à vivre « comme avant ». Laurence venait de divorcer et vivait dans un logement social avec sa petite fille d’à peine quatre ans.

Ayant des problèmes visuels, des difficultés à la marche, de légers tremblements et une grande fatigue omniprésente, le mot « comme avant » résonnait douloureusement dans sa tête.

Au quotidien, à cette époque, elle s’est heurtée à toutes sortes de difficultés.

  • Problèmes d’accessibilité : portes trop étroites dans son logement, trottoirs non surbaissés, ascenseurs inexistants, pas de places de parking dédiées aux personnes à mobilité réduite sur son lieu de travail et très peu en ville, transports adaptés insuffisants, etc.
  • Problèmes financiers liés au surcoût de la maladie, un salaire réduit à cause de ses absences répétées au travail, une nécessité de faire appel à une aide familiale, etc.
  • Une grande solitude et peu d’aides pour faire face au quotidien.
  • Un logement inadapté.
  • Une incompréhension de son employeur et de ses collègues, par manque d’informations.
  • Un épuisement de son entourage proche.

2024 : Laurence a 35 ans et son état a beaucoup évolué. Le « comme avant » n’existe plus.

Elle a dû faire face à de nouveaux symptômes : perte de l’usage de ses membres inférieurs, gros tremblements, spasmes douloureux, vision très faible, problèmes cognitifs.

Elle voudrait dire son impuissance face à l’évolution de cette maladie, sa rage d’abandonner des projets à peine nés et son angoisse des lendemains incertains.

Mais s’il n’y a plus d’avant, il y a un après.

Laurence tente d’apprivoiser cette maladie qui prend de plus en plus de place. Mais qui est-elle ? Comment peut-elle vivre avec ? Où chercher des informations, des conseils ?

Elle dessine un avenir en pointillés : un trait, un blanc, un trait, un blanc.
Elle rêve d’une ligne pleine, souple et fluide, signe que la vie continue malgré tout.

Laurence est une battante, elle veut s’en sortir et garder son autonomie, sa liberté, même si maintenant, elle se déplace uniquement en voiturette, utilise une loupe pour mieux voir, et fait appel à des services extérieurs pour l’aider au quotidien.

En 2024 : les choses ont changé.

  • Les logements sociaux tiennent compte du public à mobilité réduite et proposent des logements entièrement adaptés et le plus souvent de plain-pied. Il peut s’agir d’appartements ou de maisons.
  • Les AVJ (logements pourvus d’Aide à la Vie Journalière) se sont multipliés. Les personnes bénéficient d’une assistance jour et nuit.
  • Des services d’accompagnement soutiennent les personnes dans un certains nombre de démarches et proposent des loisirs et des activités sportives adaptés.
  • Il y a des efforts notoires dans certaines communes pour rendre l’espace public plus accessible. Certaines communes, comme à Jemeppe-sur-Sambre par exemple, ont effectué des travaux pour rendre les piscines accessibles.
  • Les aides à l’adaptation des logements se sont élargies. L’AVIQ intervient dans un certain nombre d’adaptations et des services conseils proposent leur soutien dans des projets individuels concernant aussi bien le logement privé que le lieu de travail.
  • Le handicap continue à peser lourd dans les budgets familiaux à cause de l’augmentation du prix des soins et des médicaments, de la fermeture de certains services médicaux et du regroupement des hôpitaux, obligeant les personnes à parcourir de plus longues distances. Et à cela s’ajoute une diminition de l’offre de transports (fermeture de certaines gares ou lignes de bus).
  • Grâce au développement d’internet, des réseaux sociaux, l’information est plus accessible même si elle n’est pas toujours fiable ; ces progrès permettent cependant aux personnes de se sentir moins seules.
  • Le nombre de patients experts augmente.
    Ils sont des relais importants pour les personnes atteintes de SEP (soutien, information, partage d’expériences).
  • On constate un meilleur soutien de l’entourage, avec la reconnaissance du statut d’aidant proche et la possibilité pour les aidants de trouver des moments de répit, de détente, de soutien psychologique, auprès d’associations spécifiques.

Laurence va pouvoir se relever pour voir grandir ses projets et être mieux armée face aux défis que que lui impose la sclérose en plaques.
Sa devise : vivre envers et contre tout !

Elle sait que tout n’est pas gagné que la société doit encore évoluer, que les regards doivent changer et que les besoins des personnes atteintes de sclérose en plaques sont importants.

Selon elle, il y a actuellement quatre priorités :

  1. Privilégier la prévention
    Par exemple : l’AVIQ intervient dans l’aménagement de salle de bains si la personne utilise régulièrement une voiturette. Mais dans le cas de maladie évolutive chronique telle que la sclérose en plaques, il vaut mieux prévoir cet aménagement avant que les difficultés s’annoncent parce que le temps que le dossier soit constitué et que l’AVIQ prenne une décision, l’état de la personne se sera dégradé et le quotidien devient très compliqué.
    Pour Laurence, les aménagements sont venus trop tard, elle n’a pas pu les utiliser, la maladie a été plus rapide.
  2. Faciliter les transports adaptés
    Actuellement la priorité est donnée aux personnes qui travaillent.
    Il faudrait des transports plus nombreux, circulant le soir et les week-end, afin de privilégier la vie sociale et culturelle.
  3. Poursuivre activement l’accessibilité des logements sociaux et autres
    En intensifiant le nombre de logements adaptés et en veillant aux accessibilités extérieures (ascenseurs et abords), la vie des personnes deviendra nettement plus facile.
    En tenant mieux compte du degré de handicap dans l’échelle des critères d’obtention d’un logement, le temps d’attente pour obtenir celui-ci s’en trouvera diminué.
  4. Offrir une reconnaissance financière aux aidants proches
    Après la reconnaissance du statut d’aidant proche, il faudrait une compensation financière pour atténuer le manque à gagner des aidants qui ont dû quitter leur activité professionnelle complètement ou à temps réduit.
    Cela leur permettrait d’accompagner avec plus de sérénité la personne souffrant de handicap.