Témoignage : spondylarthrite

spondylarthrite

Je suis atteinte d’une maladie rhumatismale (une spondylarthrite) officiellement depuis douze ans, et j’ai une reconnaissance de handicap depuis quatre ans, mais mes symptômes ont commencé bien avant… presque une dizaine d’années auparavant. Et bien sûr mon handicap, il est invisible… comme pour beaucoup de maladies chroniques, les douleurs et la fatigue font partie du tableau mais aussi des impotences fonctionnelles variables.

Le regard et les réactions des soignants sont très différents en fonction du moment où tu te situes dans la maladie. Et ce n’est pas possible de s’exprimer au nom de tous les malades atteints d’une maladie rhumatismale… ce qui est sans doute déconcertant pour les soignants qui ne sont pas régulièrement en contact avec nous, c’est un peu ce que j’appelle l’inconstance de notre état et la variabilité des symptômes. Et ça par contre c’est typique d’une maladie rhumatismale !

Mais reprenons depuis le début… si tant est qu’on puisse l’identifier d’ailleurs. Lorsqu’on souffre d’une maladie chronique, on dit qu’il y a souvent un avant et un après le diagnostic. L’après, je le vis assez bien. Ma maladie évolue par crises, lors desquelles je ressens comme un état grippal, de la fatigue et parfois, mais pas toujours, des symptômes inflammatoires localisés. Par exemple, j’ai un truc qui gonfle et qui fait mal, parfois j’ai des douleurs dans les pieds (là pour le moment j’ai une cheville et mes tendons d’Achille enflammés et donc la marche est limitée), mais parfois ce sont les mains ou les épaules, ou, ou, ou…

Si je vais trouver un médecin avec lequel j’ai un parcours thérapeutique comme ma rhumatologue, mon physiothérapeute ou bien-sûr mon généraliste, ça se passe bien parce que ma maladie est connue et ils sont habitués à la façon dont elle s’exprime. Si je dis que je ressens ça ou ça, même s’ils ne peuvent pas l’objectiver par un examen, ils vont en tenir compte. Et ils maîtrisent bien les particularités de mon traitement. Si par contre, je vais trouver un soignant qui ne me connait pas, je peux avoir le sentiment que ma parole n’est pas toujours prise en compte ! Par exemple, dernièrement, je suis allée aux urgences parce que je m’étais cassé un petit doigt de pied. J’y suis arrivée quasi sans boîter : j’ai tellement l’habitude de tordre mes pieds pour qu’ils ne me fassent pas trop mal quand je marche… et ça les soignants ne s’en sont pas rendu compte ! Ils m’ont renvoyée dans la salle d’attente où je n’étais pas trop bien installée et ils ne m’ont fait rentrer dans le service qu’après le résultat de la radio… accompagné de la réflexion « désolé, en vous voyant marcher, je ne pensais vraiment pas qu’il y avait une fracture ». Alors que moi, j’avais déjà eu un orteil fracturé et j’étais sûre de mon coup. Bon c’est un exemple trivial mais ça arrive aussi pour des situations plus graves.

Et le pire ça a vraiment été avant le diagnostic de ma maladie… l’evidence based medecine, c’est vraiment une bonne approche du point de vue scientifique, mais quand tu souffres d’une maladie qui évolue par crises comme la mienne, c’est vraiment terrible comme approche, ça transforme la période d’errance médicale (ce moment où tu as des symptômes mais pas de diagnostic) en véritable calvaire. Et surtout pendant ce temps-là, tu n’as pas accès aux traitement de fond qui sont indispensables pour espérer une rémission. Et pendant ce temps-là, ton état se dégrade inexorablement…

Ça ressemble un peu à ça : tu as une crise et tu as mal, par exemple, au tendon d’Achille droit. Tu vas trouver ton médecin, qui te prescrit une échographie, paf un mois d’attente ! Et quand tu vas faire ton écho, eh bien super grand sourire « madame, vous n’avez RIEN ». Tu recommences ça des dizaine de fois… tu n’en peux plus du grand sourire qui accompagne le résultat négatif. En plus, pas de chance (ou plutôt si : « Madame, TOUT VA BIEN »)… dans mon cas je n’ai pas de marqueurs sanguins… donc on ne m’oriente PAS vers le spécialiste (rhumatologue) qui aurait une chance de diagnostiquer cliniquement ma maladie… Tu finis par déprimer, on t’envoie chez le psy. Tu es tellement au bout de ta vie que tu n’as même plus la force de dire que, NON, tout ne va pas BIEN. Y’a tellement d’endroits de ton corps qui te font mal que tu commences à ne plus savoir ce que c’est d’aller BIEN. Et, toi-même tu finis par banaliser ton état et ne plus consulter… la faute à pas de chance ? Non ce n’est même pas ça, c’est terriblement banal comme histoire… il faut arriver dans une association de patients pour se rendre compte qu’on est loin d’être seul dans ce cas !

Alors voilà un de nos rôles en tant qu’association de patients : c’est vraiment de sensibiliser à cet aspect des choses, sensibiliser le monde des soignants pour qu’ils réalisent ce qu’il se passe et sensibiliser les patients pour qu’ils soient épaulés pendant ces moments si difficiles.

L’asbl CLAIR réunit les proches et les patients atteints d’affections inflammatoires rhumatismales. « Nous souhaitons un monde où chaque patient aura une vie meilleure grâce à une bonne information sur sa maladie, à des traitements abordables et de qualité et à un soutien pour le maintien d’une activité professionnelle et de détente ».