Que signifie « littératie en santé » ?
Je reprends la définition utilisée dans le livre blanc16 de l’INAMI: la littératie en santé (health literacy en anglais) se définit comme la capacité d’un individu à trouver, à comprendre et à utiliser l’information santé de base, les options de traitement qui s’offrent à lui et à prendre des décisions éclairées concernant sa propre santé.
Prendre des décisions éclairées concernant sa propre santé, cela peut vouloir dire : à partir de quel seuil de douleur dois-je aller consulter un médecin ? Quand dois-je arrêter l’automédication et me rendre chez un médecin généraliste ? Comment reconnaitre rapidement un accident vasculaire cérébral ou un infarctus ? Quelles sont les démarches à entreprendre pour être remboursé pour des séances de logopédie ? Tout cela relève de la littératie en santé et peut avoir un impact plus ou moins immédiat sur la santé ou sur les coûts et donc le recours à des soins.
Il est important de souligner que ces compétences en santé relèvent d’une responsabilité partagée, entre d’un côté le système (l’état avec ses institutions, la société…) et de l’autre côté les citoyens.
En effet, pour que les citoyens puissent accéder à l’information qui concerne la santé, la comprendre, l’évaluer et l’appliquer, il faut que l’Etat et ses institutions mettent à disposition des citoyens, des informations qui soient compréhensibles, évaluables et facilement applicables. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, en raison de la complexité des informations et des procédures d’application.
A cet égard, plusieurs facteurs influencent le niveau de littératie en santé d’une personne:
Des déterminants individuels:
Un déterminant de littératie en santé est un facteur qui a une influence sur celle-ci.
Il existe un lien entre les caractéristiques personnelles d’un individu et son niveau de littératie. Plusieurs facteurs interviennent, dont notamment:
- le niveau d’études: plus le niveau d’études est faible, plus le niveau de littératie l’est également. Or, toutes les communications des institutions en lien avec la santé ne sont pas toujours adaptées pour les populations ayant un faible niveau d’études.
- la connaissance de la langue: la maîtrise de la langue est essentielle à la compréhension, notamment pour la compréhension des mots,
des concepts et de l’information en général.
- les représentations sociales et culturelles peuvent entrainer des interprétations inexactes des informations. Par exemple, certaines cultures considèrent qu’une personne de corpulence forte et en surpoids, constitue un signe de bonne santé.
Des déterminants collectifs/systémiques :
Ces déterminants renvoient à l’ensemble de l’information disponible et accessible, ainsi qu’au degré de complexité et d’exigence des systèmes sociaux et de santé. Dans ce contexte, les sources d’informations sont primordiales.
Pour les questions liées à la santé, j’en retiendrai quelques-unes:
- Internet: il foisonne de sources d’informations, pas toujours fiables. A fortiori, tout le monde n’a pas accès à Internet: près d’un ménage sur trois avec des faibles revenus ne dispose pas de connexion à Internet. 40% de la population belge ont de faibles compétences numériques. Un chiffre qui monte à 75% chez les personnes avec des faibles revenus et un niveau de diplôme peu élevé. Il existe en Belgique une réelle fracture numérique et en même temps la numérisation pour plus de digitalisation des soins de santé est en marche accélérée avec le risque de laisser les personnes vulnérables au bord du chemin.
- Les informations officielles des pouvoirs publics et des institutions et organismes des soins de santé, ainsi que les procédures mises en place pour l’accessibilité aux soins et l’accès aux mécanismes facilitant l’accès aux soins de santé, sont également essentielles: au plus la procédure sera complexe, au plus les obstacles se multiplient et le risque de non-accès au droit augmente.
Obstacles majeurs à la littératie en santé
et conséquences négatives d’un faible niveau de littératie en santé
En Belgique, on estime qu’au moins un tiers de la population (30 à 35% ) a un faible niveau de littératie en santé, dont 6 à 10 % ont un niveau insuffisant. Les organisations et les professionnels sur le terrain prennent de plus en plus conscience de son importance. Cependant, à ce jour, il n’y a encore aucune politique nationale ou de plans concrets d’intentions politiques en faveur de celle-ci.
De faibles compétences de littératie en santé constituent un défi important pour les soins de santé, étant donné qu’elle est, elle-même, un déterminant important pour la santé. En effet, les personnes ayant un faible niveau de littératie en santé présentent souvent un moins bon état de santé. Cela est dû notamment à:
- une plus faible participation aux campagnes de dépistage, même gratuites;
- moins d’adhésion aux campagnes de prévention (vaccin Covid par exemple, activités sportives, tabagisme…);
- des difficultés à bien suivre et respecter un traitement, en raison des difficultés à comprendre les informations (indications et posologies des médicaments, instructions données par le personnel soignant, …).
- des difficultés à comprendre et à faire des démarches pour avoir accès aux soins et aux mécanismes facilitant l’accès aux soins.
Améliorer la littératie en santé des publics les plus fragilisés
et conséquences positives lorsque ces publics ont un bon niveau de littératie en santé
Un bon niveau de littératie en santé a un impact positif sur la santé de la population. Celle-ci est plus réceptive aux messages de prévention et fait davantage de liens entre les messages et sa situation. Elle est plus en mesure d’effectuer des choix en matière de santé et de modifier ses comportements.
De manière générale, les personnes ayant un niveau élevé de littératie en santé ont plus de probabilité d’être dans un état de santé meilleur.
Pour améliorer la littératie en santé auprès des publics les plus fragilisés, il y a lieu de mettre en application certaines pratiques:
Au niveau des organisations et des professionnels de santé sur le terrain:
- Prestataires des soins: l’explication concernant un traitement ou la prise d’un médicament est essentielle ; une certaine proactivité de la part des prestataires des soins pour s’assurer que le patient a bien compris s’avère nécessaire.
- Les pharmaciens ont également un rôle important dans l’explication sur la posologie ou la prise de médicaments.
- Un accompagnement sur mesure par les associations et organismes qui travaillent avec les publics fragilisés (traduction, aide administrative, infos et explications)
Au niveau des pouvoirs publics, institutions et organismes publics (INAMI, mutuelles):
- Mettre à disposition des citoyens des informations compréhensibles, évaluables et facilement applicables, ce qui n’est pas toujours le cas en raison de la complexité des informations et des procédures d’application. Il faudrait donc une simplification des procédures qui permettent d’accéder aux mécanismes facilitant l’accès aux soins de santé, car plus la procédure est complexe, plus les obstacles se multiplient et le risque de non-accès au droit augmente.
- Une prise de conscience des pouvoirs publics (aux niveaux fédéral, régional et communautaire) pour la mise en place de politiques et d’actions concrètes en faveur de la littératie en santé : collaborer avec des associations de patients et des associations spécialisées en la matière qui peuvent impliquer des patients dans la relecture de documents/brochures, travailler avec des médiateurs interculturels et les experts du vécu…
- Tenir compte de la fracture numérique, en gardant et prévoyant des canaux de communication non digitalisés.
L’INAMI et ses partenaires (mutuelles, hôpitaux, professionnels de santé,…) peuvent et devraient se donner comme objectif d’être des organisations pro-littératie en santé
Exemples de collaborations entre le service Experts du vécu et les services de l’INAMI
pour l’amélioration de l’information pour une bonne compréhension des publics vulnérables
Collaboration avec le service communication de l’INAMI:
Pour la campagne de sensibilisation afin d’expliquer au public en langage simple, clair et compréhensible, l’importance d’avoir sa carte d’identité avec soi lorsqu’on se rend à l’hôpital.
Pour l’élaboration de la campagne de communication autour de la prescription électronique, avec un point d’attention particulier sur l’importance de maintenir la possibilité d’avoir une prescription papier car pour certaines personnes ce sera toujours difficile de passer à la prescription électronique.
Participation au groupe de travail sur le schéma de médication (partage des données concernant les médicaments) :
Collaboration dès le début du projet jusqu’à la campagne de communication à venir, en mettant l’accent sur la fracture numérique, le faible niveau de littératie en santé des publics précarisés pour la compréhension et l’utilisation de l’application « Mes médicaments ».
Collaboration avec le service juridique de l’INAMI:
Avec mes collègues experts du vécu, une réflexion sur la simplification et l’usage d’un langage simple, clair et facilement compréhensible dans les courriers adressés aux citoyens par le service juridique et accessibilité de l’INAMI.
Collaboration avec le service indemnité:
Des réunions de travail en cours pour tenir compte des préoccupations des malades en incapacité de travail, en vue d’un retour au travail (formulaire à remplir, relation avec le médecin conseil des mutuelles) et de toutes les nouvelles dispositions SPF-Santé Publique et INAMI sur le retour au travail.