Les droits du patient passés à la loupe

Thierry MONIN - Chargé de projets à la LUSS

La loi relative aux droits du patient du 22 août 2002 prévoyait que « Le patient a droit, de la part de son professionnel des soins de santé, à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr ». Ce droit n’a pas été modifié par la réforme de la loi mais a été modernisé et adapté à l’évolution de l’organisation des soins de santé et à l’informatisation croissante des soins de santé.

Le dossier papier a progressivement laissé la place à un dossier santé informatisé géré par le professionnel des soins de santé. Ce dossier informatisé présente l’avantage d’être beaucoup plus accessible (24h sur 24, 7 jours sur 7 par les professionnels des soins de santé). Les résultats d’examens sont beaucoup plus rapidement accessibles. Sous certaines conditions, une partie des informations peuvent être partagées avec d’autres professionnels des soins de santé, dans le cadre de la continuité des soins.

Y-a-t-il des changements dans le contenu du dossier patient ?

La loi de 2002 a déterminé qu’il est de la responsabilité du professionnel des soins de santé de gérer et de mettre à jour le dossier du patient.
Toutefois, la récente réforme de la loi relative aux droits du patient précise que « à la demande du patient, le professionnel des soins de santé ajoute les documents fournis par le patient dans le dossier le concernant, en particulier en ce qui concerne les valeurs, les objectifs de vie et les préférences en matière de soins actuels et futurs et les déclarations anticipées du patient ».

Loi « qualité »

C’est en fait à la loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé qu’il faut se référer en ce qui concerne le contenu du dossier.
Cette loi du 22 avril 2019 contient des dispositions concernant notamment :

  • la compétence et le visa du professionnel des soins de santé (articles 8 à 11) ;
  • la caractérisation du patient et de la prestation de soins (articles 12 et 13) ;
  • la continuité des soins (articles 17 à 20) ;
  • la définition du contenu minimal du dossier patient (article 33) ;
  • l’accès aux données de santé par les professionnels : quelles sont les conditions (consentement du patient, existence d’une relation thérapeutique, finalité de l’accès…), que peut faire le professionnel en cas d’urgence ?

Ce sont les articles 36 à 40. Ils spécifient également la possibilité pour le patient de contrôler qui a accès à ses données.
Toute violation de ces dispositions par un professionnel des soins de santé peut faire l’objet d’une plainte auprès de la commission fédérale de contrôle de la pratique des soins de santé (Chambre francophone ou Chambre néerlandophone) (articles 44 à 63).

Que contient le dossier patient ?

Le dossier patient doit donc contenir plus d’une vingtaine d’informations précisées par cette loi.
Citons de manière non exhaustive :
1° l’identification du patient
2° l’identification du médecin généraliste du patient ;
3° l’identification personnelle du professionnel des soins de santé et, le cas échéant, celle du référent et des professionnels des soins de santé qui est/sont également intervenus dans les soins de santé dispensés ;
4° le motif du contact ou la problématique au moment de la consultation ;
5° les antécédents personnels et familiaux ;
6° les résultats d’examens ;
7° le compte-rendu des entretiens de concertation avec le patient, d’autres professionnels des soins de santé ou des tiers ;
8° les attestations, rapports ou avis reçus du patient ou de tiers ;
9° les objectifs de santé et les déclarations d’expression de la volonté reçues du patient ;
10° le diagnostic établi par le professionnel des soins de santé concerné ;
11° la caractérisation du patient ;
15° les médicaments et les produits de santé pré, péri- et postopératoires, y compris le schéma de médication etc….

Partage des données de santé : un rappel

L’intérêt d’un dossier patient est que les données à caractère personnel relatives à la santé du patient puissent être partagées avec d’autres professionnels des soins de santé pour garantir la qualité et la continuité des soins, pour éviter de faire des examens superflus…
La très grande partie des dossiers patient est constituée en format électronique sous la forme d’un dossier patient informatisé dans les hôpitaux, d’un dossier informatisé tenu par le dentiste, le kinésithérapeute, le médecin généraliste ou spécialiste.
Chaque dossier patient tenu par le professionnel reprend l’ensemble des informations prévues par la loi qualité. Une partie de ces informations peut être partagée avec d’autres professionnels des soins de santé. Ce partage nécessite toutefois que deux conditions soient remplies :
le consentement éclairé et préalable du patient
l’existence d’une relation thérapeutique entre le professionnel des soins de santé et le patient

Et, ce, pour autant que :
1° la finalité de l’accès consiste à dispenser des soins de santé ;
2° l’accès soit nécessaire à la continuité et à la qualité des soins de santé dispensés ;
3° l’accès se limite aux données utiles et pertinentes dans le cadre de la prestation de soins de santé.

A noter qu’en cas de consultation abusive du dossier santé partagé par le professionnel des soins de santé, le patient a la possibilité de déposer une plainte auprès de la commission de contrôle de la pratique des soins de santé (voir à ce sujet le Chaînon n°63 de juin 2023).

L’accès au dossier par le patient : qu’est-ce qui change ?

La loi relative aux droits du patient prévoyait déjà en 2002 la possibilité pour le patient de consulter son dossier et d’en avoir copie. A l’époque, on en était encore largement à un dossier « papier ».
Un arrêté royal fixera à l’avenir une obligation pour le professionnel des soins de santé de tenir le dossier sous format électronique. Il pourra aussi fixer une date de mise en œuvre distincte pour les différents professionnels des soins de santé.
Dès lors, un autre arrêté royal concrétisera le droit pour le patient, à partir d’une date à fixer par le Roi, à un accès électronique à ses données de santé. Le professionnel des soins de santé devra utiliser les plateformes de données de santé mises à disposition ou validées par les autorités publiques, comme par exemple le Réseau Santé wallon ou le Réseau Santé Bruxellois (voir Réseau en action, pages XX).
Dans les faits, les hôpitaux gèrent le dossier patient sous format électronique (DPI) sans que nécessairement ce dossier soit partagé avec d’autres professionnels des soins de santé. Chaque hôpital définit ses propres règles de publication et d’accès au patient. L’accès peut être rendu possible après que le professionnel a rencontré le patient pour lui en expliquer le contenu.

La réforme de la loi relative aux droits du patient a apporté certaines précisions concernant le droit de consultation du dossier patient tenu par le professionnel que ce soit en format papier ou en format électronique :

  • le patient a le droit de recevoir des explications sur le contenu du dossier le concernant ;
  • si le dossier du patient contient une motivation écrite consistant à ne pas divulguer l’information au patient qui est encore pertinente, le patient exerce son droit de consultation du dossier par l’intermédiaire d’un professionnel des soins de santé désigné par lui.

Il n’y a pas de modification :

  • concernant le délai dans lequel le professionnel des soins de santé doit répondre à la demande de consultation du patient (15 jours).
  • par rapport à la consultation des données qui concernent des tiers (pas de consultation possible)

Ce qui change :

La réforme précise que le patient détermine s’il reçoit cette copie par écrit soit par papier ou sous forme électronique. Toute première copie est gratuite. Pour toute copie supplémentaire seuls des frais administratifs peuvent être portés en compte, ils doivent cependant être raisonnables et justifiés et ne pas excéder le coût réel.

L’accès au dossier par les proches du patient

Aucune modification n’est apportée à propos de l’accès indirect au dossier pour les proches d’un patient majeur décédé, c’est-à-dire :
« Après le décès du patient, l’époux, le partenaire cohabitant légal, le partenaire et les parents jusqu’au deuxième degré inclus ont, par l’intermédiaire du professionnel des soins de santé désigné par le demandeur, le droit de consultation, visé au § 2, pour autant que leur demande soit suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s’y soit pas opposé expressément. »
Cependant, la loi a introduit la possibilité pour les parents ou les représentants légaux d’un patient mineur décédé d’avoir accès, sous certaines conditions, à son dossier. Nous y reviendrons dans un prochain article.

Références légales

Loi du 06/02/2024 modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et modifiant les dispositions en matière de droits du patient dans d’autres lois en matière de santé (MB du 23/02/2024)
Une version du texte coordonné est disponible sur le site du SPF Santé publique : https ://www.health.belgium.be/fr/sante/prenez-soin-de-vous/themes-pour-les-patients/droits-du-patient
Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé (MB 14/05/2019)