Les droits du patient passés à la loupe

Thierry MONIN - Chargé de projet à la LUSS

Pourquoi une loi relative aux droits du patient ? Jusqu’en 2002, aucune loi spécifique n’existait en Belgique concernant les droits du patient. Il régnait beaucoup de flou et d’imprécisions en la matière. La législation était à ce moment peu adaptée aux réalités des patients, les droits n’étaient pas clairement définis, lacunaires et peu connus des patients.

En outre, à ce moment, les relations entre les patients et les professionnels de santé étaient loin d’être équilibrées, notamment en ce qui concerne la prise de décisions concernant les traitements prescrits au patient.
En 1999, les associations de patients et de proches se structurent : naissent les fédérations LUSS (Ligue des Usagers des Services de santé) pour la partie francophone et VPP (Vlaams PatiëntenPlatform) pour la partie néerlandophone. Les statuts de la LUSS, publiés le 4 novembre 1999, prévoient que « la LUSS a pour mission entre autres de défendre les intérêts et les droits des usagers des services de santé et de leur entourage toutes pathologies confondues, d’informer, assister et/ou représenter les usagers des services de santé dans toute démarche qu’ils pourraient entreprendre pour faire respecter leurs droits. »
La voix des patients/usagers va pouvoir se faire entendre lors de la prise d’initiatives législatives qui les concernent.
Ainsi, par exemple, l’accord du Gouvernement du 07/07/1999 (coalition libérale-socialiste-écologiste) prévoit un renforcement des droits du patient pour tendre vers des soins de qualité plus accessibles. On peut y lire « De plus, le droit du patient à une information claire et accessible sur les soins qui lui sont dispensés ainsi que sur son état de santé doit être renforcé. Les plaintes du patient sur les soins reçus doivent être mieux traitées dans le respect de la dignité humaine ».

Principes de base

Dans une note du 01/12/2000, le cabinet de la Ministre de la Santé publique (Magda Aelvoet) dresse un aperçu des problématiques liées aux droits du patient qui nécessitent d’élaborer des réponses législatives.

Ces problématiques sont :

  • l’inaccessibilité et le manque d’information
  • des lacunes dans la protection juridique
  • des ambiguïtés et des contradictions dans les réglementations
  • des dispositions défavorables au patient.

Les principes de base pour la définition d’un cadre clair en matière de droits du patient sont décrits comme suit :

  • la nécessité d’une loi
  • la simplicité et la clarté
  • une politique d’accompagnement via par exemple des campagnes d’information
  • une réglementation concernant la responsabilité civile des professionnels des soins de santé

La loi de 2002 relative aux droits du patient

C’est en 2001 que se met en place le processus législatif qui aboutira à l’adoption de la loi relative aux droits du patient. De nombreux acteurs sont concertés en janvier 2001 dont les représentants des patients (LUSS et VPP) !
Il faut attendre début 2002 (précisément le 19 février 2002) pour voir déposé le projet de loi relatif aux droits du patient. Ce texte est adopté au parlement le 20 juillet 2002. Il fait l’objet d’une sanction royale le 22 août 2002 et est publié au Moniteur Belge le 26 septembre 2002.
Cette loi a pour objectif « d’améliorer la qualité des prestations des soins de santé. En formulant de manière claire et précise les droits du patient, la loi a contribué à améliorer la relation entre le patient et le professionnel, à permettre au patient de poser des choix et de prendre des décisions concernant sa santé, après avoir été informé et éclairé par le professionnel des soins de santé. » (Source : SPF Santé publique)
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette loi n’était pas à sens unique, elle a reconnu aux professionnels des soins de santé certains droits (comme par exemple celui de refuser de communiquer certaines informations).
Pour garantir le respect des droits du patient, la loi de 2002 a créé une fonction de médiation pour traiter des plaintes des patients qui estiment que leurs droits n’ont pas été respectés, que ce soit en milieu hospitalier (médiateurs hospitaliers) ou dans le secteur ambulatoire (service de médiation fédéral « Droits du patient »).
Cette même loi a également créé la commission fédérale « Droits du patients » composée de représentants des patients, des mutualités, des hôpitaux et des professionnels des soins de santé. Parmi ses missions, la commission remet des avis d’initiative ou à la demande du Ministre concernant l’application de la loi.

Faire évoluer la loi

À mesure que le temps passait, il est apparu qu’il fallait penser à adapter la loi relative aux droits du patient. En effet, depuis 2002, l’organisation des soins a fortement évolué à travers :
un modèle de soins intégrés, c’est-à-dire selon la définition du SPF Santé publique, « des soins dans lesquels les services de santé sont organisés de manière à ce que les individus fassent l’expérience d’une continuité de prise en charge au sein de l’ensemble de ses prestations, en termes de promotion de la santé, prévention, diagnostic, traitement, gestion des maladies, rétablissement et services palliatifs. »

  • la digitalisation croissante des procédures, l’eSanté (dossier santé informatisé – dossier santé partagé via les Réseaux santé wallon et bruxellois)
    l’utilisation de nouvelles technologies (applis…)
  • une organisation des soins tenant davantage compte des objectifs de vie du patient, de ses valeurs et préférences…. La relation de soins entre le professionnel et le patient a évolué dans une optique de collaboration et de codécision.
  • une préoccupation pour la qualité de soins, qui s’est traduite notamment par la loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22.04.2019

Il devenait donc nécessaire d’évaluer et d’adapter la loi aux réalités et au contexte, actuels et futurs, du système de santé.
Un projet de réforme de la loi a été construit en concertation avec les acteurs du terrain : représentants des professionnels de santé, des hôpitaux et institutions de soins, des patients mais aussi le grand public (large consultation publique en avril 2023).
L’aboutissement fut l’adoption en séance plénière de la Chambre le 1er février 2024 du projet de loi. La loi a été promulguée par le Roi le 6 février et publiée au Moniteur Belge le 23 février 2024.

Elle est désormais d’application. Il reste cependant quelques arrêtés royaux à adopter et à publier pour concrétiser l’application de certaines dispositions comme les modalités pratiques de désignation de la personne de confiance ou du représentant.
Le texte coordonné de la loi est disponible sur le site du SPF Santé Publique : tinyurl.com/loiddp2024
Suite au prochain numéro !