Prescriptions électroniques : La digitalisation au service de la relation soignant-soigné

Diane N’Gatchou-Djomo Chargée de projets à la LUSS

La digitalisation transforme radicalement les différents secteurs de la société. La santé ne fait pas exception ! En Belgique, la transition vers des systèmes de santé numériques marque une évolution significative dans la manière dont les soins sont administrés et coordonnés. Cet article explore donc ces innovations technologiques, en mettant l’accent sur leur potentiel pour améliorer la relation soignant-soigné, la littératie en santé et l’empowerment du patient.

Depuis le 15 septembre 2021, une procédure de dématérialisation des prescriptions est en cours. Par cela, on entend la digitalisation complète du processus de prescription en tant que tel.
Les prescriptions électroniques (appelées également e-prescriptions), sont plébiscitées car elles réduisent les erreurs de médication et simplifient les processus de renouvellement tout en permettant une gestion plus sécurisée et efficace des ordonnances médicales pour les pharmaciens et les médecins prescripteurs. Cependant, leur potentiel ne se limite pas à ces aspects techniques. Chaque rôle de la relation thérapeutique est repensé pour permettre une optimisation de la relation soignant-soigné ainsi que la qualité des soins et services ad hoc.

Du point de vue du médecin

Passer aux e-prescriptions garantit un gain de temps, au bénéfice des soins des patients, grâce à la simplification et à la digitalisation des processus administratifs. Ceci permet donc de consacrer ce temps à la qualité même des soins administrés et au suivi thérapeutique. Les dispensateurs de soins peuvent avoir une meilleure vue sur l’observance au traitement. Ils peuvent veiller de plus près sur la manière dont le patient suit correctement, ou non, les instructions médicales concernant son traitement. Il devient également possible pour un médecin prescripteur, une sage-femme, un dentiste de faire des prescriptions à distance (sans avoir le patient devant eux), ce qui peut être déterminant dans le suivi de maladies rares et/ou chroniques.

Du point de vue du pharmacien :

Toutes les informations relatives au traitement du patient sont rassemblées de manière digitale grâce au projet VIDIS (Virtual Integrated Drug Information System) pour améliorer le suivi thérapeutique et la qualité des soins. Les schémas de médication, les médicaments délivrés, les prescriptions en cours, les notes de journal sont accessibles.
Les patients peuvent donc se présenter à la pharmacie d’office ou d’hôpital sans présenter de preuve de prescription électronique sous forme papier. Les pharmaciens accèdent alors à la prescription sur base :

  • de la carte e-ID (carte d’identité électronique) du patient
  • d’une preuve de prescription électronique sous format digital.

Le patient reste néanmoins en droit de réclamer au prescripteur une impression de sa preuve de prescription électronique.

Du point de vue du patient :

Ces changements sont pensés pour offrir une plus grande autonomie aux patients qui obtiennent des possibilités supplémentaires de gestion de leurs prescriptions et de leur santé en général. Les patients peuvent accéder aux prescriptions électroniques établies par leur dentiste, leur sage-femme ou leur médecin prescripteur via différents canaux.

Sur MaSanté.be, dans la section « Mes médicaments », les patients ont la possibilité :

  • d’accéder à leurs ordonnances et les gérer,
  • de voir leur plan de traitement médicamenteux,
  • de tenir un journal de notes (actuellement uniquement pour les résidents de Flandre).

Toujours sur MaSanté.be, dans la section « Mes mandats de soins », les patients peuvent :

  • établir des mandats de prescription qui autorisent des tiers à gérer et consulter leurs ordonnances,
  • constituer des mandats pour la gestion des données de santé, permettant à des personnes autorisées d’utiliser leurs différentes applications sur MaSanté.be.

Des applications, d’utilisation conviviale, sont également proposées.

Ainsi, avec l’application mobile Mes Médicaments, les patients peuvent :

  • examiner et gérer leurs prescriptions, ainsi que celles des individus dont ils sont mandataires,
  • organiser leur visite à la pharmacie, réserver et récupérer leurs médicaments prescrits, ainsi que
  • ceux prescrits aux individus dont ils sont mandataires,
  • consulter leur plan de traitement médicamenteux.

Le drapeau de visualisation, ou privacy flag

Parmi les options de gestion offertes au patient sur MaSanté.be, on trouve par exemple le « drapeau de visualisation ». Celui-ci permet au patient de choisir quel pharmacie peut lire quelle prescription.
Concrètement, ce drapeau ouvre ou limite la possibilité de lecture de ces prescriptions, selon ce que décide le patient. Il peut limiter la lecture au seul pharmacien de son choix, en empêchant la lecture par autres pharmacies. Ce choix peut également s’opérer au cas par cas sur chaque prescription.
Par défaut, toutes les prescriptions électroniques sont visibles par toutes les pharmacies avec lesquelles un lien thérapeutique a été établi (il suffit pour cela que le pharmacien lise la carte eID dans l’application ad hoc, à la première visite du patient).
Le système permet de masquer la lecture des prescriptions à toutes les pharmacies, mais dans ce cas la preuve de prescription imprimée devient indispensable pour délivrer les médicaments, la carte d’identité ou le numéro d’Identification à la Sécurité Sociale (NISS) ne suffiront pas.
Le « privacy flag » (drapeau de visualisation) peut être défini par le patient via MaSanté, ou à l’avance par le prescripteur.

Perspectives

La digitalisation des services de santé en Belgique représente une évolution qui redéfinit non seulement les interactions entre les professionnels de la santé et les patients mais aussi la manière dont les soins sont administrés et suivis.
Les e-prescriptions, élément central de cette transformation, offrent des avantages significatifs en termes d’efficacité, de sécurité, et de qualité des soins. D’autres projets sont en cours, comme la digitalisation des prescriptions de renvoi (kinésithérapie, par exemple), ou celle des notices de médicaments.
Alors que le pays continue d’avancer dans cette voie, il est essentiel de surveiller les impacts de ces changements et de continuer à adapter les technologies pour répondre au mieux aux besoins des utilisateurs sans laisser personne de côté.