Principes directeurs de la technologie du soin et de l’aide à la personne

Lara Vigneron (Yuza) - Pour la Fondation Roi Baudouin

Vous est-il déjà arrivé de vous demander qui a accès à vos données de smartphone ou de smartwatch, ou ce qu’il advient de ces précieuses informations ? Vous êtes-vous déjà senti un peu perdu devant la multitude de technologies disponibles, sans savoir laquelle répondrait vraiment à vos besoins ? Et avez-vous parfois eu l’impression de naviguer en eaux troubles, sans réellement comprendre le fonctionnement de ces technologies ?

Ces questions, nous nous les sommes toutes et tous posées un jour. Et c’est dans ce contexte que la Fondation Roi Baudouin, au travers du Fonds
Dr. Daniël De Coninck, a lancé il y a quelque temps un appel à projets sur la technologie pour les soins à domicile. Un appel qui a suscité un véritable engouement, avec de nombreux projets soumis par des personnes et des organisations sur l’ensemble du territoire belge.
Pourtant, derrière cette effervescence, se cachent également des défis de taille. Fragmentation, manque de coopération, sous-estimation des coûts… autant d’obstacles qui freinent parfois notre avancée vers des solutions efficaces et adaptées à tous.
C’est ainsi qu’est né un besoin criant : celui d’un cadre inspirant, donnant une direction claire à toutes ces initiatives motivées. Un besoin comblé par un groupe de personnes représentant la diversité de notre société : représentants de citoyens et patients, professionnels de la santé, développeurs de technologies, chercheurs, enseignants et acteurs des pouvoirs publics.
Ensemble, ils ont conçu les 8 principes fondamentaux pour les technologies du soin et de l’aide à la personne, ou CTP (pour Caring Technology Principles). Des principes qui nous guident vers un avenir où la technologie place votre santé, vos données et surtout votre confiance au cœur de ses préoccupations.

Chacun son rôle : responsabilité partagée

Développer et utiliser des technologies de confiance en santé est un travail d’équipe où chaque individu et chaque organisation jouent un rôle crucial, dès les premières étapes de conception jusqu’à leur mise à disposition.
Concrètement, cela signifie que le citoyen-patient doit pouvoir exprimer ses besoins, et que les développeurs de technologies doivent collaborer étroitement avec eux dès la phase de conception. Il est essentiel que les solutions développées soient intégrées et interopérables avec les systèmes existants, notamment ceux des pouvoirs publics, qui devraient en retour faciliter leur intégration.
De plus, les développeurs doivent veiller à ce que les informations sur ces solutions soient complètes, compréhensibles et que la gestion des données soit responsable.
Le consentement éclairé du patient, peut-être encouragé par les professionnels de santé, est également crucial. Un système de gouvernance participative doit garantir que le citoyen-patient et toutes les parties prenantes puissent participer activement, tandis que les pouvoirs publics devraient veiller à ce que les solutions soient évaluées et que les résultats de ces évaluations soient accessibles à tous. Ils peuvent également soutenir le développement de solutions inclusives, respectueuses des principes éthiques et durables.
Certains principes, tels que la prise en compte des besoins et exigences des utilisateurs finaux, bénéficient déjà d’un large consensus. Il est crucial de reconnaître que la technologie est un moyen au service du citoyen et que personne ne doit être exclu. Cela souligne l’importance de combler le fossé en matière de littératie numérique et en santé.
Cependant, certaines questions méritent encore réflexion quant à la direction à prendre, notamment en ce qui concerne la propriété des données et la participation politique.
De plus, la mise en œuvre de la cohérence systémique, c’est-à-dire la nécessité d’assurer une intégration harmonieuse et cohérente des différentes composantes du système de santé, représente un défi complexe mais essentiel à relever pour garantir l’efficacité et l’accessibilité des solutions technologiques en santé.

Le citoyen-patient aux commandes

Au cœur des préoccupations de chaque citoyen-patient se trouve une question essentielle : quelle solution technologique me permettra d’atteindre mes objectifs de santé et comment puis-je en faire bon usage ? Pour répondre à cette question cruciale, plusieurs critères et éléments-clés émergent : respect des droits, accessibilité, autonomie, fiabilité, sécurité, partage des données… Ces aspects sont essentiels à prendre en compte lors de la sélection et de l’utilisation des technologies en santé, garantissant ainsi leur pertinence.

Cependant, les principes directeurs vont bien au-delà en proposant une approche inclusive : placer les citoyens-patients aux commandes. Ils sont invités, aux côtés des autres acteurs, à jouer un rôle central dans le développement de technologies de confiance. Cela implique non seulement la possibilité pour eux d’exprimer leurs besoins, mais également de
co-concevoir avec les développeurs de technologies et autres parties prenantes.
De plus, ils sont appelés à participer à la gouvernance, ce qui leur permet de guider les choix et de décider de l’orientation future de ces technologies.

Interessé.e par le sujet ?

Une série d’initiatives et d’actions sont menées par la Fondation Roi Baudouin au travers du Fonds Daniël De Coninck pour sensibiliser à la thématique des principes et des outils sont en cours de développement pour aider à leur mise en œuvre.
Pour être mis au courant des dernières avancées, contactez Ester De Doncker à l’adresse dedoncker.e@kbs-frb.be.

Échanges sur les 8 principes : un atelier organisé à la LUSS

Le 31 mai 2023, un atelier s’est tenu à la LUSS. Objectif : plonger dans les besoins et attentes des participants vis-à-vis des technologies en santé et identifier les principes directeurs prioritaires.
Au cours de cet échange, plusieurs éléments-clés ont émergé. Tout d’abord, il est apparu crucial que la technologie en santé vienne en complément des soins médicaux plutôt que de les remplacer. Les participants ont souligné l’importance d’une communication directe avec leurs propres données, leur permettant ainsi de prendre des décisions éclairées et de mieux gérer leur santé au quotidien.
Parallèlement, la transparence et le contrôle des données ont été mis en avant. Les participants ont exprimé le besoin d’un accès transparent aux informations de certification, au respect du RGPD2 et aux données médicales, tout en ayant la possibilité de les contrôler et de prendre des décisions éclairées quant à leur utilisation.
Un autre aspect crucial discuté a été celui de l’accessibilité et de l’abordabilité des technologies en santé. Les participants ont souligné la nécessité de tenir compte de la fracture numérique et des coûts associés aux technologies, afin de garantir leur accessibilité à tous, sans exclusion.
En ce qui concerne le rôle des associations de patients, leur importance a été soulignée à plusieurs reprises. Ces associations ont un rôle crucial dans le respect des normes en matière de protection des données et de consentement informé. Elles jouent également un rôle essentiel dans la promotion de l’interopérabilité et l’évaluation à long terme des outils technologiques, assurant ainsi leur évolution dans la bonne direction.
De plus, les associations de patients peuvent jouer un rôle clé dans la promotion de l’accessibilité des technologies en santé. Elles peuvent encourager le développement de sites web et d’applications accessibles répondant aux besoins spécifiques des utilisateurs, tout en veillant à ce qu’ils offrent des fonctionnalités adaptées à tous.

Les 8 principes directeurs pour une technologie de confiance en santé

Soutenir les besoins et l’autonomie des utilisateurs
Veiller à ce que la technologie et les données répondent aux besoins des utilisateurs et soient au service des personnes et de la société. Impliquer les individus et les communautés pour mieux comprendre leurs besoins en matière de soins et leurs objectifs en matière de santé. La technologie et l’utilisation des données devraient toujours aider les utilisateurs à prendre leurs propres décisions.

Établir la participation par l’intégration
Établir une collaboration continue entre toutes les parties prenantes par la création d’un écosystème intégré englobant les personnes et les technologies. Cet objectif peut être atteint en mettant en place des technologies interopérables utilisant des protocoles normalisés et des formats libres. Aider les patients et les citoyens à participer pleinement au développement et à l’utilisation de cet écosystème.

Obtenir un véritable consentement éclairé
Fournir des informations fiables, transparentes, compréhensibles et accessibles sur les technologies en santé pour renforcer les capacités des personnes afin qu’elles soient en mesure de faire des choix en toute connaissance de cause et de manière indépendante. Communiquer objectivement les avantages et les inconvénients pratiques afin que les utilisateurs se sentent en confiance par rapport aux technologies qu’ils choisissent.

Utiliser les données en toute sécurité pour la santé personnelle et l’intérêt public
Renforcer la confiance entre les personnes et les organisations lors de l’utilisation des données et des technologies. Permettre aux citoyens de posséder et de gérer leurs données personnelles ou d’en déléguer la gestion à un tiers de leur choix. Les aider à partager et à utiliser leurs données en toute sécurité afin d’améliorer leur santé et leur bien-être et de servir l’intérêt public.

Réduire les inégalités digitales et de santé
Améliorer les compétences technologiques et la littératie en santé et s’engager en faveur de l’éducation et de la formation tout au long de la vie pour tous. Inciter tout le monde à participer, y compris les personnes vulnérables et défavorisées, afin que personne ne soit laissé pour compte. Réduire les inégalités digitales et de santé plutôt que les accentuer.

Créer une gouvernance participative
Créer une gouvernance participative et adaptative pour l’écosystème des technologies en santé. Encourager les citoyens et les parties prenantes à participer activement aux processus décisionnels. Ajuster les politiques en fonction de l’analyse des données, des nouvelles preuves scientifiques, de l’expérience et de l’expertise croissante, en veillant à ces politiques restent efficaces et répondent à l’évolution des besoins.

Mettre en œuvre l’assurance et le contrôle de la qualité
Mettre en œuvre des systèmes d’assurance qualité pour l’ensemble du processus d’innovation. Évaluer en permanence le développement et l’utilisation des données et des technologies. Le contrôle de la qualité doit porter sur le contenu, la confidentialité, la sécurité, la transparence, la traçabilité, l’interopérabilité, l’efficacité et l’inclusivité. Les connaissances doivent être fondées à la fois sur l’expérience et sur des preuves scientifiques. Introduire des labels de qualité pour diffuser les résultats de l’évaluation et les rendre facilement accessibles aux utilisateurs.

Inscrire l’innovation dans des cadres sociétaux plus larges
Contrôler et évaluer l’impact de l’écosystème des technologies en santé sur la société dans le cadre plus large de la santé, de la démocratie, de la prévention, de l’éthique et de la durabilité. Veiller à ce que les technologies soient conformes aux principes internationaux et démocratiques fondamentaux. Mettre l’accent sur la prévention, les valeurs éthiques et les objectifs de développement durable dans la conception des innovations.