Santé 2.0 : promesses et défis

La LUSS est favorable à la digitalisation en soutien au système de soins de santé pour les nombreuses opportunités que cela représente notamment en terme d’amélioration de l’accès aux soins de qualité pour tous et toutes, d’empowerment des patients et citoyens, de communication et d’information, de suivi, de transparence, de santé publique, etc. Aussi, la LUSS défendra toujours des principes de base qui doivent indispensablement guider la digitalisation dans les soins de santé.

Consentement libre et éclairé

Le consentement au partage des données de santé doit être à la fois éclairé (le patient est dûment informé et le professionnel s’assure de la bonne compréhension des enjeux) et libre.
Dans le cas où le patient refuserait de consentir au partage de ses données, ou retirerait un consentement précédemment donné, les alternatives possibles, et les conséquences de ce choix sont présentées au patient.
Dans tous les cas, le droit à des soins de qualité doit être garanti au patient. Le consentement au partage des données ne peut être utilisé comme une condition préliminaire aux soins.

Protection de la vie privée

Le patient doit pouvoir être assuré du fait que les données prélevées seront utilisées exclusivement dans le cadre d’une relation thérapeutique et que seules les données pertinentes dans le cadre des soins prodigués seront accessibles.
La non-marchandisation des données de santé doit être un souci permanent, tant pour les systèmes existants que pour ceux à venir.
Droits du patient, droit à l’information
Le patient a le droit à l’information et à avoir un dossier tenu à jour qu’il peut consulter en version papier ou numérique (voir pages 34 à 37).
En cas de non-respect des droits du patient, celui-ci doit être informé sur les démarches de plainte.
Le patient doit par ailleurs être dûment informé sur l’utilisation de ses données de santé, et informé à nouveau, si la situation ou l’utilisation de ses données devait changer.

Systèmes et outils numériques

Fiabilité et traçabilité

Les systèmes et outils numériques qui gravitent autour de l’eSanté manipulent des données d’une grande sensibilité. Ils doivent donc être d’une fiabilité à toute épreuve, basés sur des technologies validées, propres de toute interférence du privé et équipées des meilleures protections face aux assauts de pirates informatiques qui s’intéressent de près à ces données. Les récentes attaques de systèmes informatiques visant les hôpitaux en sont l’inquiétante preuve.
En cas d’attaque, ou de détection d’une faille, les mouvements d’accès aux données doivent être totalement traçables : qui a accédé à quoi, quand, et dans quel but ? Des données ont-elles pu être téléchargées et ainsi sortir du système ? Des règles similaires sont déjà d’application pour le RGPD.

Harmonisation et interopérabilité des outils et systèmes pour les patients et pour les soignants

La démultiplication des outils et système peut occassionner de nombreux risques. La multiplication des outils offre autant de de points d’accès possibles pour les attaques informatiques, et rend l’ensemble vulnérable, difficile à protéger. Elle oblige par ailleurs le patient à communiquer les mêmes informations plusieurs fois, ce qui représente à la fois une perte de temps et un risque en termes de cohérence des données.
Le principe de collecte unique des données (« only once ») doit être un des fondamentaux dans le développement de ces outils.

Inclusion des utilisateurs

Tout nouveau développement d’outil numérique doit inclure, dès la réflexion initiale, les besoins de terrain et de santé publique.
À cette fin, la co-construction avec les différentes parties prenantes est primordiale. Les bénéfices sont nombreux : en amont, la co-construction assure l’adéquation du produit final avec les besoins, le juste dimensionnement et l’optimisation des ressources allouées au projet. En aval, elle favorise l’appropriation du système par les utilisateurs. À son tour, l’appropriation du système par ses utilisateurs participera à lever certains freins : manque de confiance dans la sécurité des systèmes, rétention d’information à cause de la concurrence, protection légale, infantilisation des patients, etc.

Accompagnement et formation

Tant les citoyens que les patients et les professionnels doivent être formés à l’utilisation des outils. Des moyens (financiers, humains, matériels…) suffisants doivent être alloués à cette fin, et des objectifs mesurables doivent être définis.

Usage secondaire des données de santé

Si les données de santé sont utilisées de manière « primaire » pour la prise en charge du patient, toute autre finalité (recherche, innovation,…) est qualifiée de « secondaire ». Cette utilisation doit, elle aussi, être encadrée : les données doivent être adéquatement pseudonymisées ou anonymisées, et bénéficier des mêmes garanties quant à leur sécurisation (voir à ce sujet le dossier « Protection des données » dans Le Chaînon n° 58, de mars 2022).
Tout comme pour l’utilisation primaire, l’opt-out (choix de se retirer du système) doit être garanti pour le citoyen, qui est informé clairement de son droit et des conséquences de son choix.
L’utilisation secondaire des données de santé doit également être monitorée par des organes de contrôle indépendants.
Au regard de ces principes et des constats remontés actuellement par le terrain, voici quelques recommandations plus spécifiques dans le domaine pour guider les décisions politiques.

Formation et information sur l’eSanté et la gestion de ses données de santé

La LUSS reçoit quotidiennement des demandes de formation pour les citoyens et usagers des services de santé sur l’eSanté et la gestion de ses données de santé. Cela témoigne d’un réel besoin dans l’accompagnement, la formation et l’information à cette transition digitale.
Il est urgent et indispensable de définir aujourd’hui :

  • qui forme ou va former les citoyens à acquérir ces nouvelles compétences qui deviennent indispensables pour l’accès à des soins de qualité pour tous et toutes ?
  • comment et au regard de quels objectifs durables et mesurables ?
  • avec quels moyens ?

Alternatives au numérique

Il est indispensable de garder des alternatives au numérique pour les personnes en situation de fracture numérique, pour les personnes qui ne consentent pas à utiliser le numérique dans le cadre de leurs soins, pour ceux et celles qui sont familiers avec la technologie mais qui ne sont tout de même pas en capacité d’utiliser les outils numériques mis à disposition dans le cadre des soins par manque d’information et de formation, pour ceux et celles qui ne font pas encore confiance au digital, etc.
Notre système de soins de santé est en transition et le changement ne se fera pas parfaitement du jour au lendemain, c’est donc une autre raison évidente pour laquelle il faut maintenir des alternatives au numérique en cas de problème ou de défaillance dans ce système en transition digitale.